Emploi des « seniors », de sérieux progrès restent à faire.

Emploi des « seniors », de sérieux progrès restent à faire.

28 avril 2015 - 12 h 55 min
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Conséquence de la conférence sociale des 7 et 8 juillet 2014, nous voyons fleurir depuis quelques mois tout un panel de plans d’actions mis en place par les régions, les territoires en faveur de l’emploi senior.

Faisons un bref état des lieux de la situation :

Tous âges confondus, ceux qui souffrent le plus de la hausse du chômage en février 2015 sont les inscrits de 50 ans ou plus : leur nombre progresse de 0,7% sur un mois (+ 5 500 inscrits) et de 9,1% sur un an (+68 800).

Déjà de début 2008 à fin 2013, le taux de chômage a augmenté plus rapidement pour les seniors que pour l’ensemble des actifs.  En 2013, les taux d’activité et d’emploi de l’ensemble des personnes de 55 à 64 ans étaient en France inférieurs d’environ 5 points aux taux moyens de l’Union européenne.

Le pourcentage des seniors de + de 50 ans encore inscrits sur les listes de Pôle Emploi  (source fichier historique pôle emploi) 12 mois après leur inscription était de 57,4% en 2013 de 55% en 2014. L’objectif fixé par les pouvoirs publics vise 50% en 2017 (un luxe). A titre de comparaison la moyenne de l’ensemble des DE est de 42% en 2014. Pour les jeunes de –de 25 ans elle est de 31,5% en 2013 et 25,1% en 2014.

Les seniors sont également plus nombreux que les autres actifs à travailler à temps partiel. Une étude IFOP réalisée en novembre 2014 auprès de demandeurs d’emploi révèle qu’être âgé de plus de 55 ans est perçu comme le premier facteur de discrimination à l’embauche (88%), suivi par la grossesse (81%), l’apparence vestimentaire (81%) et l’obésité (75%).

Des études ont montré qu’un cadre sénior a 3 fois moins de chances d’être convoqué à un entretien qu’un candidat plus jeune, à la vue de son CV et/ou de son âge. Cependant, on remarque que les       «craintes» concernant un candidat cadre senior disparaissent 8 fois sur 10 lorsque le recruteur prend la peine de lui accorder un entretien.

Bref la situation est loin, très loin, d’être rassurante. Elle correspond à la situation de l’emploi aujourd’hui en France, mais en pire.

Trois Français sur quatre se disent favorables à l’instauration d’un quota de seniors dans les entreprises de plus de 50 salariés, (sondage Harris Interactive Juin 2013). Est-ce réellement par le système des quotas que la situation des seniors à l’embauche peut être améliorée ? Ou cela passe t-il par un changement d’état d’esprit et le fait de remettre en cause fortement et régulièrement les préjugés dont cette population fait l’objet.

Faites un test : Dites à un collègue de travail ou un ami qui pointe vers les 45 48 ans: « finalement, tu es un senior maintenant » et observez sa réaction : elle est généralement la même que si vous lui annonciez une très mauvaise nouvelle : expression horrifiée, refus, abattement… bref tout y passe. C’est le genre de catégorie à laquelle on n’a pas envie d’appartenir, du moins tant que l’on travaille. Parler de « senior » c’est amalgamer dans la même parole et pensée, un ensemble de population qui va de 45 ans (âge à partir duquel commence cet état dans le monde de l’entreprise) qui estactive et souvent confrontée à des difficultés de fin de carrière, à 75 ans? 80 ans? Voire plus si longévité, retraitée certes encore vigoureuse, mais très loin des préoccupations du monde du travail. Cette confusion sémantique se fait à la défaveur de ceux qui sont en activité salariale ou confrontés au chômage longue durée. Certains plans d’action parlent même de « seniorité ». Il faut avoir un sérieux sens de l’humour ou une absence totale de bon sens pour mettre en avant ce genre de néologisme.

Je préfère parler de salariés  ou travailleurs expérimentés. Cette terminologie identifie une population précise avec des problématiques fortes et délivre une notion positive, active et dynamique : « travailleur », ils sont inscrits dans le monde du travail, de l’entreprise, en activité, « expérimentés » amène à une valeur ajoutée, basée sur l’expérience, la compétence.

Quelques préjugés qui ont la vie dure

Les salariés expérimentés sont moins productifs :

Plusieurs études tordent cette idée reçue et pointent l’absence de lien systématique entre âge et productivité. Même si l’adaptation aux changements peut constituer un frein dans la productivité des séniors, ce risque peut disparaitre s’il est anticipé et pris en compte dans le management des ressources humaines. Certaines entreprises commencent d’ailleurs à anticiper, en mettant en place un système de tutorat inversé où les jeunes forment leurs ainés aux nouvelles technologies. On sait qu’ils développent des stratégies pour compenser, par exemple les conditions de pénibilité du travail et continuer à trouver de l’efficience.

D’après une étude à l’initiative de l’IMS, il s’avère que les salariés expérimentés sont plus performants que les juniors, à hauteur de 4%, (à condition que l’entreprise ait mis en place un management adapté). La performance au travail des salariés expérimentés est donc équivalente à celle de leurs cadets, à condition qu’ils puissent réguler leur activité de travail et que les conditions dans lesquelles le travail s’effectue ne fassent pas obstacle à ces régulations.

Ils sont rentrés pour certains dans une routine voire un désengagement dans leur activité :

Il est vrai que qu’aujourd’hui cette impression de routine, de désengagement touche hélas de nombreux salariés expérimentés. Des études montreraient que 40% des 50-57 ans sont des attentistes c’est-à-dire qu’ils attendent la retraite avec espoir. Si l’on rajoute à cela 20% de dépassés (exclus de leur domaine d’expertise, tétanisés par l’échec de leur fin de carrière) ça commence à faire beaucoup, mais la faute à qui ?

Les préjugés à leur encontre font qu’ils ont moins accès à la formation que les salariés plus jeunes, on considère qu’il n’est plus nécessaire de les faire évoluer même si c’est pour leur proposer de la mobilité horizontale et on a donc tendance à les cantonner dans leurs fonctions sans rien leur proposer de novateur, voire en ne reconnaissant que du bout des lèvres leur savoir-faire. Pas étonnant qu’ils sombrent dans la routine ou le désengagement.

Ils sont de toute façon rétifs au changement :

De nombreux Rh trouvent qu’ils sont rétifs aux changements proposés, en fait ils sont justes méfiants, du fait de leur expérience, aux discours des Rh sur le changement.

La dépression est plus fréquente dans la vieillesse :

La recherche indique que le bien-être émotionnel s’améliore jusqu’à 70 ans et se stabilise « Contrairement à l’opinion populaire que la jeunesse est le meilleur moment de la vie, le pic de la vie affective peut se produire jusqu’à la 70eme année, ». L’étude se joint à d’autres qui concluent que les personnes âgées se concentrent sur les émotions positives plutôt que négatives, des souvenirs et des stimuli. De plus, selon une étude canadienne, il semblerait que les salariés expérimentés soient moins sujets au stress que les plus jeunes.

Le déclin cognitif est inévitable :

Une personne atteint sa pleine maturité physique vers l’âge de 25 ans. Ensuite, on constate une période de relative stabilité, puis l’organisme commence à montrer des premiers signes de vieillissement, en général vers 45 ans même si des différences importantes entre individus existent, dépendant de caractéristiques personnelles (mode de vie, alimentation, état de santé général) et des caractéristiques de la situation de travail (force physique requise, posture, horaire, etc.). »

« De façon générale, et contrairement aux représentations, les études relèvent que les pertes de capacités physiques ou cognitives dues au vieillissement « naturel » restent modérées jusqu’à 65-70 ans, et qu’elles sont compensées par l’expérience. À 60 ans, un salarié en bonne santé dispose encore de 80 % des potentialités dont il disposait à l’âge de 20 ans »

Force est de constater que les seniors ont énormément de qualités à apporter au monde de l’entreprise, pour peu qu’on sache leur parler et leur proposer des expériences motivantes :

– Leur expérience et les compétences acquises, les rendent directement opérationnels.

– L’intégration d’un salarié expérimenté dans une équipe se passe généralement bien car il apporte une réelle expertise mais n’est pas perçu comme un nouveau concurrent qui va tout faire pour progresser dans la hiérarchie de l’entreprise.

– Ils se révèlent très fidèles à l’entreprise pour laquelle ils travaillent.

– Leur quête de sens et leur expérience les rendent particulièrement performants dans les activités de veille, de prospection et dans les décisions de changement d’organisation

– Grace au tutorat, ils peuvent transmettre leur expérience aux plus jeunes.

– L’embauche d’un salarié de plus de 50 ans en CDI donne droit à des réductions de charges sociales.
– Ils ont souvent dépassé le concept de « stratégie de carrière » et se concentrent sur le travail effectif.
– Embauchés après une assez longue période chômage  ils sont généralement très reconnaissants envers l’entreprise et leur investissement est important.

Faut-il attendre comme en Allemagne d’avoir un problème de vieillissement de la population pour considérer les salariés expérimentés à leur vraie valeur ? Le mieux serait de mettre en place des plans d’action comme a pu le faire la Finlande à la fin des années 90. Ce pays s’est appuyé à la fois sur des politiques classiques en direction du marché du travail et de réforme des retraites, mais également sur des programmes plus originaux de mobilisation des acteurs, destinés à faire évoluer les mentalités. Et cela a marché. En dix ans tout a changé. Avec une croissance moyenne de 4,5% par an, le taux d’emploi des 55-64 ans a bondi de 20 points de pourcentage depuis 1997. Actuellement, 55% des seniors  finlandais ont un emploi contre 43% en moyenne dans l’Union Européenne. A préciser que ces performances n’ont pas été réalisées au dépend du taux d’emploi des jeunes. Malheureusement en France faute de moyens, et de réelle volonté politique pas de grandes campagnes de communication en vue, ni  d’ailleurs de plans d’actions efficaces. Car mettre en place des mesures, sans s’attaquer aux représentations ne va guère contribuer à changer les choses.

Pour l’instant dans la gestion de l’emploi des salariés expérimentés, les jours meilleurs c’est encore demain.

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