Seniors au travail et paradoxes

Seniors au travail et paradoxes

15 février 2014 - 15 h 19 min
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La situation des seniors dans l’entreprise est empreinte de nombreux paradoxes. Ils sont encore victimes de beaucoup de préjugés : « usés, dépassés, méfiants vis-à-vis de l’institution, soit dans la routine, voire désengagés, on a du mal à leur proposer de nouveaux projets, une évolution quelconque. »  « Ils attendent tranquillement leur retraite et en plus ils coûtent cher. »

Il faut dire que la vague des plans de préretraite des années 1970-2000 y est certainement pour beaucoup. A l’époque, certes glorieuse, ou la retraite se prenait à 60 ans maxi, voire 55 ans et ou l’on pensait encore, corollaire des 30 glorieuses, que le bonheur c’était un repos bien gagné après une vie de labeur. Idée non dénuée de tout fondement mais qui à l’heure actuelle risque d’arriver de plus en plus tardivement.

Il est vrai qu’aujourd’hui cette impression de routine, de désengagement touche hélas de nombreux seniors. Des études montreraient que 40% des 50-57 ans sont des attentistes c’est-à-dire qu’ils attendent la retraite avec espoir. Si l’on rajoute à cela 20% de dépassés (exclus de leur domaine d’expertise, tétanisés par l’échec de leur fin de carrière) ça commence à faire beaucoup, mais la faute à qui ?

Les préjugés à leur encontre font qu’ils ont moins accès à la formation que les salariés plus jeunes, on considère qu’il n’est plus nécessaire de les faire évoluer même si c’est pour leur proposer de la mobilité horizontale et on a donc tendance à les cantonner dans leurs fonctions sans rien leur proposer de novateur, voire en ne reconnaissant que du bout des lèvres leur savoir faire. De nombreux Rh trouvent qu’ils sont rétifs aux changements proposés, en fait ils sont justes méfiants, du fait de leur expérience, aux discours des Rh sur le changement. Pas étonnant qu’ils sombrent dans la routine ou le désengagement.

Bref nous sommes dans un monde ou l’on vit de plus en plus vieux, mais ou l’on est vieux de plus en plus jeune. Paradoxalement l’entrée dans le monde du travail se fait de plus en plus tard et l’on est un jeune salarié de plus en plus vieux, avec une perspective de départ à la retraite de plus en plus lointaine. Cherchez l’erreur…..

Et pourtant, force est de constater que les seniors ont énormément de qualités à apporter au monde de l’entreprise, pour peu qu’on sache leur parler et leur proposer des expériences motivantes :

– Leur expérience et les compétences acquises, les rendent directement opérationnels.
– L’intégration d’un senior dans une équipe se passe généralement bien car il apporte une réelle expertise mais n’est pas perçu comme un nouveau concurrent qui va tout faire pour progresser dans la hiérarchie de l’entreprise.
– Les seniors se révèlent très fidèles à l’entreprise pour laquelle ils travaillent.
– Leur quête de sens et leur expérience les rendent particulièrement performants dans les activités de veille, de prospection et dans les décisions de changement d’organisation
– Grace au tutorat, ils peuvent transmettre leur expérience aux plus jeunes.
– L’embauche d’un salarié de plus de 50 ans en CDI donne droit à des réductions de charges sociales.
– Ils ont souvent dépassé le concept de « stratégie de carrière » et se concentrent sur le travail effectif.
– Embauchés après une assez longue période chômage ils sont généralement très reconnaissants envers l’entreprise et leur investissement est important.
Rien que ça.

A l’heure où l’on décale l’âge de la retraite vers 65, 67 ans… Voire plus si affinités, il serait dommageable pour l’entreprise de se passer de ces qualités. Je rappelle qu’aujourd’hui on considère dans le monde du travail que la « séniorité » commence à l’âge canonique de 45 ans. 20 ans de voie de garage c’est suicidaire économiquement parlant et je ne parle même pas de nos caisses de retraite à l’agonie.

En effet aucune étude ne fait le lien entre âge et baisse de rentabilité, au contraire on sait que les seniors développent des stratégies pour compenser, par exemple les conditions de pénibilité du travail et continuer à trouver de l’efficience.

BMW a mis en place sur ses lignes de montage automobile des équipes essentiellement composées de seniors, celles-ci se sont révélées plus rentables que les autres. Donc des solutions existent, à nous de les appliquer avec discernement.

Un ensemble de mesures ont été prises par les différents gouvernements depuis déjà quelques années pour tenter de remédier à cette situation et favoriser le maintien de l’emploi dans des conditions correctes pour les seniors. Pour l’instant ce n’est pas une complète réussite loin de là. Les préjugés ont la vie dure. En fait ce sont les mentalités qu’il faut faire évoluer et là, ça prend du temps et ce n’est pas encore gagné.

De toute façon notre société devra changer, à la fois dans ses représentations et dans ses fonctionnements, sinon nous courrons à la faillite. En fait il faudrait que l’ensemble des entreprises ainsi que la société adoptent l’état d’esprit des grandes entreprises : L’âge moyen des administrateurs  des entreprises du CAC 40 s’élève aujourd’hui à 59,65 ans (source Express du 12/07/2011). Paradoxe ? Vous avez dit paradoxe ?

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